Les paysages des vallées
Dans la douceur généralisée des reliefs du département, les trois vallées principales que sont la Loire, le Loir et le Cher composent des événements remarquables, qui en font les paysages les plus « pittoresques » : riches de points de vue, de sites, de diversité de milieux, de patrimoine culturel et naturel.
La Loire compose un grand paysage complexe car deux topographies s'additionnent : celle, classique, des coteaux qui la bordent et celle, plus originale et plus subtile, de son fond de vallée, qui n'est pas plat naturellement et qui a fait l'objet d'aménagements :
Ce sont les inondations qui révèlent avec le plus de précision la subtilité de ces reliefs : toujours parcourues par les eaux, ces dépressions sont naturellement les premières atteintes par l'inondation. Leur altitude au-dessus de l'étiage de la Loire n'est en moyenne que de 2 mètres, alors que celle des parties les plus élevées de la Plaine submersible atteint ordinairement 4.50 mètres. C'est par de légères dépressions obliques que s'insinuent les crues les plus considérables. Par temps d'inondation, seuls émergent les dos de terrains du centre et quelques îlots imperceptiblement plus élevés que le lit majeur. Ce sont les « peus » de l'Anjou et les « montils » de la Touraine. On les attribue aux débris d'une ancienne terrasse démantelée puis fossilisée partiellement par les apports plus récents. Roger Dion, dans « Le Val de Loire, étude de géographie régionale » décrit ainsi le phénomène des crues de la Loire : « Avant même que la crue n'ait dépassé les berges du lit mineur, la dépression latérale est envahie par le refoulement de l'affluent qui la parcourt ou par la montée des nappes d'infiltration. Et lorsque l'inondation commence, les eaux, déjà profondes au pied des versants, touchent aux bornes qu'il ne leur sera pas permis de dépasser. Il ne leur reste qu'à couvrir la partie bombée de la plaine alluviale qu'elles circonscrivent déjà de toutes part. […] Des courants puissants, attirés par les dépressions, lavent le bas des pentes, chassent les éboulis qui auraient pu s'y accumuler dans l'intervalle des crues et entretiennent ainsi dans la fraîcheur de ses formes la topographie précise des bords du lit majeur. La nature des lieux permet donc aux riverains de la Loire d'indiquer avec beaucoup de sûreté et, en général, à moins de 50 mètres près, l'emplacement des limites latérales de leur Val, au pied du coteau qu'ils appellent, suivant les régions « le tertre » ou « la côte ». »
Des paysages finalement très contrastés se juxtaposent en parallèle dans la vallée de la Loire : des coteaux raides ou doux, boisés, cultivés ou piqués d'un village, voire d'un château ; la Loire, aux paysages merveilleusement enrichis par ses îles et ses bancs de sable ; des plaines cultivées largement ouvertes et simplifiées, des cours d'eau intimes, cristallisant à leurs abords une ripisylve, voire des pâtures et des prairies de fauche, puis à nouveau des coteaux. Ce phénomène naturel de juxtaposition de paysages en parallèles a été renforcé au fil des siècles par les digues ou levées, établies pour favoriser la navigabilité du fleuve (voir le chapitre « les paysages et l'eau »).
Ainsi composés, les reliefs dictent largement l'organisation du territoire : les routes en pied de coteau et sur les levées, les villes déroulées au flanc des coteaux avec des cales et des ports à leur pied, les villages les plus proches de l'eau établis sur des montils, grâce auxquels ils se prémunissaient des crues.
Le Loir présente également une topographie variée qui contribue à différencier les trois paysages qui s'enchainent au fil de son parcours :
Le Cher, contrairement au Loir, dessine une vallée étonnamment régulière : un couloir, dont le fond, plutôt rectiligne, est large de deux kilomètres environ, tenu par des coteaux raides, d'une cinquantaine de mètres d'amplitude au plus haut. Au sein de ce couloir, la rivière borde tantôt le coteau en rive droite, tantôt mais plus rarement celui de la rive gauche ; il laisse une large plaine plate aujourd'hui essentiellement dévolue aux cultures, même si quelques secteurs de haies bocagères et de pâtures se maintiennent entre Gièvres et Villefranche-sur-Cher. Le relief de la vallée conditionne largement le dessin du paysage : nécessairement hors du fond inondable de la vallée, les villages se pressent de façon resserrée sur les pentes raides des coteaux, générant par endroits des silhouettes et des formes urbaines remarquables : à Saint-Aignan, à Montrichard pour prendre les exemples les plus frappants.
Le manque de reconnaissance de ces sites bâtis a aussi conduit à des débordements d'urbanisation récente, notamment sur l'aval de la vallée, qui subit l'influence de l'agglomération tourangelle : mitage des coteaux, urbanisation linéaire autour des infrastructures, implantations hors d'échelle ou mal situées. Les infrastructures, également implantées hors d'eau, filent comme elles peuvent au pied du coteau, cohabitant de façon plus ou moins douloureuse avec l'urbanisation : les routes (RD 17, RN 76), le train et même le canal du Berry jusqu'à Noyers-sur-Cher. Enfin, comme dans le Loir, le tuffeau apparaît par endroits en falaises, donnant naissance à des formes d'habitat troglodytiques.
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Agence Folléa-Gautier, paysagistes-urbanistes
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